La participation citoyenne désigne la façon dont les citoyen-nes peuvent intervenir dans les débats et l’action publique qui les concernent, au-delà du simple fait de voter pour désigner les élu-e-s qui vont les représenter le temps d’un mandat.
C’est un enjeu important pour toutes les collectivités publiques, car les citoyens ne se satisfont plus d’exercer leur pouvoir démocratique au seul « moment électoral », sans intervenir dans les processus de décision jusqu’à la fin du mandat.
D’autre part, la crise de la représentation politique se traduit par une plus grande défiance envers les élu-e-s, et la façon dont les politiques publiques sont menées, décidées et évaluées.
La progression de la participation citoyenne est donc une réponse à ces deux remises en cause de la représentation politique classique, que l’on retrouve partout dans les pays développés.
Dans le cas de figure de la Métropole de Lyon, le besoin d’une plus grande participation se fait d’autant plus ressentir qu’il s’agit d’une jeune collectivité, encore mal connue des citoyen-nes, qui manque à la fois de lisibilité et de légitimité, par rapport au pouvoir municipal notamment.
Loïc Graber, qui fut pendant trois ans adjoint au maire de Lyon en charge de la participation citoyenne, intervient d’abord pour présenter les enjeux de la participation citoyenne dans la Métropole, et faire un état des lieux des dispositifs existants.
Plusieurs instances existent déjà avant le mandat actuel :
- le Conseil de Développement, qui est une instance de participation permanente où siègent des représentants de différents collèges, mais aussi des citoyens volontaires. Il donne un avis sur les politiques publiques menées et peut se saisir d’un sujet.
- les instances de concertation sur des projets ou des politiques spécifiques, par exemple sur la ZFE, ou les aménagements d’espaces publics.
Loïc Graber nous présente ensuite les nouveaux dispositifs mis en place par la nouvelle majorité depuis 2020 :
- une plateforme de participation en ligne, où on peut s’exprimer sur les concertations en cours,
- le panel citoyen, qui est un panel de citoyens tirés au sort et donne un avis consultatif sur les politiques menées,
- les budgets participatifs mis en place par plusieurs commune (Lyon, Villeurbanne, Vaux en Velin) doivent permettre de déposer des projets et de les sélectionner pour une mise en œuvre par la collectivité dans le cadre de son plan d’investissement.
La discussion porte alors sur la pertinence et la portée de ces différents outils. Sont-ils suffisants et vraiment efficaces ? La multiplication des dispositifs permet-elle de développer la participation citoyenne, ou a-t-elle tendance à la dissoudre au contraire ? Trois grands enjeux structurent ensuite la discussion.
Le premier enjeu, c’est la confusion entre la participation citoyenne et la consultation des usagers. Les citoyen-nes sont dans une démocratie à l’origine du pouvoir politique, ils doivent pouvoir trancher et arbitrer entre les grandes orientations, au moment des élections en particulier. Les usagers sont les personnes qui sont concernées par une politique publique, par exemple les usagers des transports publics, ou les usagers d’un parc communal. Ils ont un avis, peuvent être impliqués et consultés, mais ne doivent pas décider à la place des citoyens, qui déterminent les grandes orientations, parfois en contradiction avec le point de vue d’une partie des usagers. Or il règne une grande confusion parfois entre les dispositifs qui concernent vraiment la participation citoyenne, et les dispositifs d’échange avec les usagers de telle ou telle politique, ce qui pose un problème de définition des objectifs, des limites et des modalités de la participation. La difficulté est encore plus grande quand on fait le constat, très partagé, que les citoyen-nes les plus impliqués dans les dispositifs de participations sont également celles et ceux qui sont politiquement les plus actifs : de ce point de vue, l’objectif de mieux associer les citoyen-nes distants du politique est souvent mis en échec par des dispositifs mal conçus, qui favorisent en réalité l’entre soi entre des citoyens-militants et des élus issus des mêmes horizons. Il ne suffit pas de multiplier les outils de participation pour éviter cette « captation démocratique » par les citoyen-nes les plus éduqués et les plus intégrés.
Le deuxième problème, c’est la question de l’échelle des consultations citoyennes. Il est décisif à l’intérieur d’une Métropole : demander s’il faut agrandir une déchèterie aux citoyens les plus proches de cette infrastructure a toutes les raisons de conduire à son rejet, même si cela peut être la meilleure solution du point de vue de la collectivité. Il faudrait donc remettre sur la table la question de l’échelle géographique de la consultation des citoyens, réflexion qui doit être menée pour chaque type de compétence métropolitaine. Ainsi, les budgets participatifs sont un bon outil pour créer des politiques de proximité, pas pour décider des grandes orientations du réseau de transport, qui est pourtant un des grands enjeux de la participation citoyenne aujourd’hui, comme l’ont montré les errements de la « consultation » des citoyens sur l’extension des lignes de métro. La majorité actuelle a navigué en plein paradoxe, en défendant à la fois le fait que les grandes orientations avaient été « tranchées dans les urnes », tout en multipliant les dispositifs de participation citoyenne… dès lors davantage voués à la consultation sur les modalités techniques que sur les choix politiques. Il faut enfin concevoir à quelle étape exactement intervient la participation : pour quelles compétences métropolitaines faut-il intervenir très en amont pour infléchir les choix de politiques publiques, et pour quelles autres compétences intervenir davantage sur les modalités de mise en œuvre et leur évaluation ?
Le dernier enjeu, c’est celui de la réalité du pouvoir qui est dévolu aux dispositifs de participation. S’agit-il de consulter les citoyen-nes, en laissant les leviers du pouvoir aux représentants politiques, ou de leur donner un véritable pouvoir d’agir ? Même si on augmente les budgets participatifs par exemple, les montants concernés restent sans commune mesure avec le budget de la métropole géré par les élu-es. Ce décalage a tendance à nourrir le soupçon que la participation reste très « cosmétique ». La discussion montre qu’il y a des positions très tranchées sur les limites à donner au pouvoir des représentants élus et sur l’ampleur des contre-pouvoirs à confier aux dispositifs participatifs. Cependant, développer une participation dont le pouvoir effectif reste second ne permettra certainement pas de redonner confiance dans la politique locale. Une solution possible, plutôt que de multiplier les dispositifs, est d’associer davantage les citoyens aux grandes orientations qui les concernent, sous la forme de consultations locales par exemple, en prenant le risque que les choix d’une majorité soient confrontés aux arbitrages des citoyens et des citoyennes.