Compte rendu du café métropolitain Mobilité 1 « Qui s’occupe de nos transports ? » (18 octobre 2022)

Les mobilités sont un sujet particulièrement sensible. Peut être parce qu’elles sont
perçues comme un droit essentiel puisque depuis la déclaration universelle des
droits de l’homme : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa
résidence à l’intérieur d’un État
« 
En France, les lois ont précisé ce que recouvre cette notion, défini des champs de
compétences, identifié des autorités et précisé leurs modes de financement et de
gouvernance.
Depuis la loi d’orientation des mobilités de 2019, cette compétence est définie
comme la capacité d’organiser six catégories de services : services réguliers de
transport public de personnes / services à la demande de transport public de
personnes / services de transport scolaire / services relatifs aux mobilités actives
services relatifs aux usages partagés des véhicules terrestres à moteur / services
de mobilité solidaire.
Désormais, seules les autorités organisatrice de mobilité (AOM), personnes
publiques, sont compétentes pour l’organisation des mobilités au sein d’un ressort
territorial, et l’ensemble du territoire national a vocation à être couvert par ces AOM.
Pour financer leur services, ces AOM ont trois sources de recettes : les subventions
versées par leurs collectivités de rattachement, les recettes tarifaires et le
versement mobilité.
Les décisions des AOM sont prises par les élus locaux qui siègent au sein de leur
conseil d’administration et un comité des partenaires regroupant employeurs et
usagers
est consulté une fois par an.
Les AOM d’ile de France et des territoires lyonnais sont des établissements publics
créés spécifiquement par la loi.

La région AURA, l’ AOM-R et le SMT AML

La Région, qui est autorité organisatrice des mobilités, transporte en TER et en car
200 000 voyageurs par jour en Auvergne-Rhône-Alpes, pour un budget annuel de
1,6 Mds d’euros.
La Région finance la SNCF, cette dernière ayant le monopole de l’exploitation du
réseau ferroviaire jusqu’à présent, via une convention, qui contractualise le service à
rendre à l’usager.
1200 trains circulent par jour au sein du nœud ferroviaire lyonnais (NFL), qui compte
12 branches et connaît un phénomène chronique de congestion. Cela signifie
concrètement que tout train qui entre dans ce périmètre en ressort avec en moyenne
1 minute de retard.
En 2017, 32 millions de voyages ont été effectués depuis la seule gare de la Part Dieu.
Dans cette gare, 38 % des voyageurs utilisent ensuite un transport urbain.
La situation de saturation du NFL est connue depuis plus de 10 ans : un important
rapport est paru sur le sujet en 2012, publié par l’Inspection Générale de
l’Environnement et du Développement Durable (IGEDD). Des recommandations de
travaux en 2 phases, pour regagner de la capacité sur ce nœud ont été apportées.
Tout d’abord une première phase de travaux, actuellement en cours, qui va
améliorer la ponctualité des trains, mais sans possibilité de transporter plus de
passagers.
Puis une 2e phase, permettant d’augmenter la capacité du NFL afin de répondre aux
besoins de déplacements en forte augmentation sur l’aire métropolitaine lyonnaise
dans les années à venir.
Cette 2ème phase a fait l’objet en 2019 d’une concertation publique, les chiffres
annoncés montrent un montant d’investissement nécessaire entre 2,8 milliards
d’euros et 4,3 milliards d’euros. Aucun financement à ce stade n’est identifié.
Parallèlement, depuis 10 ans, la métropole lyonnaise a mis sur pied un ambitieux
programme d’urbanisation et de développement économique pour conforter son
attractivité, notamment dans le quartier de la Part Dieu.
Très vite, il est apparu que les projections d’augmentation du nombre de salariés au
centre d’affaires de La Part Dieu demanderaient plus de TER, sans quoi l’usage des
voitures allait complètement asphyxier le centre-ville.
Mais, malgré le rapport de l’IGEDD, les démarches menées par tous les acteurs
publics locaux depuis 2012, les débats publics, et la loi d’orientation sur les
mobilités, qui vise à favoriser l’usage des transports collectifs, les importants
budgets nécessaires à la modernisation durable du NFL n’ont pas été débloqués.
Le ferroviaire souffre aussi d’une complexité dans sa gouvernance : de part le
manque de fonds publics, un nombre important d’acteurs cofinancent les opérations
de modernisation et mettent du temps à se répartir les charges, ce qui rallonge
d’autant les délais. Au centre du jeu, la SNCF, à la fois propriétaire foncier,
concepteur et exploitant des installations ferroviaires, qui réalise aussi la plupart des
études et estime les coûts des travaux. Cette situation de monopole créé une
opacité sur les coûts estimés jugés souvent trop importants par les financeurs.
Malgré tout, les pouvoirs publics locaux en charge des transports publics tentent
d’améliorer le quotidien des voyageurs de l’aire métropolitaine lyonnaise. Ainsi, dès
2005, la métropole lyonnaise a pris l’initiative de créer un partenariat nommé le
Réseau Express de l’Agglomération Lyonnaise (REAL) avec la Région, le SYTRAL,
Saint Etienne Métropole, les agglomérations de Villefranche, des portes de l’Isère,
de Vienne Condrieu, les départements du Rhône, de l’Ain et de l’Isère et la SNCF.
Pendant 5 ans, un vaste plan d’actions formalisé dans un protocole est déployé pour
améliorer la coordination des transports, l’information aux voyageurs, le
stationnement en gare, créer de nouveaux services, sur tous les axes du NFL.
Puis cette collaboration informelle prend un tournant en 2013 avec la création du
syndicat mixte des transports de l’aire métropolitaine lyonnaise. Ce syndicat va
finaliser les travaux débutés dans le cadre du REAL, à savoir créer une tarification
multimodale permettant aux voyageurs empruntant plusieurs réseaux de transports
publics de disposer d’un abonnement unique.
Mais demeure le problème de l’enclavement du ferroviaire au cœur même de la
métropole de Lyon, qui ne permet pas aujourd’hui par exemple de réaliser le simple
trajet Lyon-Part Dieu-Perrache en train avec un ticket TCL. Et plus généralement, les
projets de RER métropolitain dont il est question depuis près de 20 ans ne trouvent
pas de solution concrète car les transports ferroviaires restent sous l’égide de la
Région et de la SNCF, qui agissent prioritairement à une échelle de territoire plus
vaste.

L’AOMTL et la SPLM

Dans le prolongement des lois de décentralisation, la LOTI de 1982 (loi d’orientation
des transports intérieurs) consacre l’autonomie des collectivité en matière de
transport en commun puisque le préfet cesse d’être l’exécutif du STCRL (syndicat
des transports en commun de la région lyonnaise), syndicat qui devient en 1985 le
SYTRAL (Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise)
Le 1er janvier 2022, le Sytral est transformé par la loi en un établissement public :
l’AOMTL – (Autorité Organisatrice des Mobilités des Territoires Lyonnais)
Son territoire est étendu à la Métropole de Lyon, le Nouveau Rhône, une commune
de l’Ain, sept communes de la Loire et la région de Condrieu.
Dotée d’un budget d’1,4 milliard d’euros, cette autorité baptisée « Sytral Mobilités »
organise différents réseaux de transports (TCL : 1,8 millions voyages /jour – Rhône
express : 1,5 millions voyages / an – Libellule : 3,2 millions voyages / an – optibus :
102 000 voyages / an).
La complexe composition de son conseil d’administration définie par la loi donne aux
élus de la métropole la presque majorité nécessaire pour les décisions importantes
comme l’augmentation du “versement mobilité” récemment porté à son maximum
pour les entreprises de la métropole.
La loi ne prévoyant pas de représentation proportionnelle des élus de l’opposition de
la métropole et son président ayant décidé de ne proposer qu’un nombre symbolique
de conseillers, les principaux groupes d’opposition ne siègent pas au CA de « Sytral
Mobilités ».
C’est donc fort d’une majorité absolue que le président de la métropole de Lyon et
président de cette AOM va aborder les prochains grands enjeux de la mobilité : Plan
d’investissement du mandat, équilibre budgétaire mis à mal par la baisse de la
fréquentation due au Covid, appel d’offres du réseau TCL et son éventuel
allotissement, mise en place du respect de la ZFE par des contrôles via LAPI…
C’est dans ce contexte que la métropole, les communes de Lyon et Villeurbanne
ansi que le Sytral ont décidé de la création de la SPLM.
Cette Société Publique Locale des Mobilités est une SA dont le capital est détenu à
100% par des collectivités territoriales
.
Son objet est particulièrement large puisqu’il lui permet d’opérer dans les domaines
du stationnement sur voirie, parking, parc relais, autopartage et de la billettique.
Si la création de cet opérateur permet à la fois de prendre des décisions dans tous
les domaines de la mobilité et accessoirement d’attribuer sans mise en concurrence
les délégations de service public des parkings de LPA arrivées à échéance, elle
pose à nouveau la question de sa gouvernance, le conseil d’administration de cette
SPL étant à ce jour exclusivement composé d’élus des majorités municipales et
métropolitaines.

Discussion

Les politiques de transports, d’urbanisme et de développement économique sont
indéfectiblement liées et agissent chacune sur l’aménagement du territoire. Donc
tout fonctionnement d’une politique menée trop en silo, sur le transport ferroviaire
par exemple, en privilégiant le TGV, ou sur l’urbanisme, avec les permis de
construire qui privilégient des intérêts locaux, autre exemple, va se faire au détriment
des autres politiques
.
Les approches combinant les paramètres « coût du foncier », « besoins de
déplacements » et « transports en commun » permettent en revanche de construire
des politiques publiques plus équilibrées.
C’est par exemple le rôle des schémas de cohérence territoriale (SCoT), qui posent
les orientations à long terme des fonctionnalités du territoire.
Il existe aussi des diagnostics combinant toutes ces composantes, fournis par
l’INSEE, ou bien par le CEREMA; par exemple, une étude sur la vulnérabilité des
ménages face à la mobilité sur l’aire métropolitaine lyonnaise, a été réalisée en
2015, qui montre les territoires où une augmentation du prix de l’essence aurait les
répercussions les plus graves pour la mobilité des ménages.
La question des ressources financières peut aussi être posée. Le versement mobilité
(VM) qui représente en moyenne 61 % des recettes des AOM est dû par les
entreprises du territoires employant plus de 10 salariés, sans aucune prise en
compte de la distance logement/entreprise. Cette assiette n’inciterait aucunement à
produire une ville fonctionnellement mixte des courts trajets mais permettrait au
contraire de dégager des recettes pour financer des infrastructures très capacitaire
de transport en commun.
De même, les échanges mettent en évidence la nécessaire réactivité des Autorités
Organisatrices pour adapter leurs offres, mais la multiplicité des partenaires rend
souvent difficile la prise de décision rapide. La création de nouveaux échelons de
coordination et de décision ont comme conséquence paradoxale d’éloigner encore
plus ces instance des citoyens pourtant en demande de débat démocratique sur les
questions de mobilité.
Quelles solutions pour le futur ? Nous mettrons cela au débat lors de notre café métropolitain sur les transports n°2.

Pour plus d’informations :
• Consultation publique 2019 sur le nœud ferroviaire lyonnais : https://noeud-ferroviaire-lyonnais.debatpublic.fr/images/DMO-synthese/NFL-synthes
e-presentation-projet.pdf
• Rapport IGEDD 2012 sur le NFL : https://igedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/notice?id=Affaires-0005
939

• Syndicat mixte des transports de l’aire métropolitaine lyonnaise : https://www.smtaml.fr/
SCoT agglomération de Lyon : https://www.scot-agglolyon.fr/
• Étude du CEREMA sur la vulnérabilité des ménages face à la mobilité : https://www.cerema.fr/fr/actualites/resultats-etude-vulnerabilites-aux-couts-mobilite-a
u-sein

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