La Métropole de Lyon joue un rôle de plus en plus important dans de nombreux champs de notre vie quotidienne : développement économique, logement, urbanisme, voirie, eau, propreté, éducation, culture, etc. Si ces compétences sont relativement connues des citoyens, la question de la sécurité est souvent négligée.
I. Contexte et définitions
Pourtant, le territoire de la Métropole regroupe plusieurs acteurs importants de ce secteur, le plus connu étant sûrement le siège d’Interpol. Sont aussi à mentionner : l’École Nationale Supérieure de Police à Saint-Cyr, le siège du CEREMA (Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques) à Bron, le SCPTS (Service Central de la Police Technique et Scientifique).
Ce tissu est complété par des acteurs :
- De la santé (LyonBiopôle, grands groupes pharmaceutiques, laboratoire P4 Jean Mérieux, académie de l’OMS, Centre international de recherche contre le cancer, etc.),
- De la défense (cluster EDEN, base aérienne 942 Lyon-Mont Verdun…),
- De la sécurité civile (le centre SDMIS à Saint-Priest),
- De la sécurité privée (ONET, PROSEGUR, BYBLOS).
Au total, et hors défense, le secteur de la sécurité représentait près de 27000 emplois dans la Métropole lyonnaise en 2019.
Malgré cet écosystème solide, la Métropole peine à affirmer ses compétences, qui sont pourtant importantes, en matière de sécurité globale. Au-delà des compétences de la Métropole, une autre question soulevée est inhérente à la définition même de la sécurité : comment la définir, quels champs d’application ?
Le premier enjeu consiste à définir la notion même de sécurité. Par exemple, quelle différence fait-on entre la sécurité et la sûreté ? La sûreté recouvre les atteintes volontaires (malveillantes) aux biens et/ou aux personnes (violences, harcèlements, vols, dégradations, etc.), tandis que la sécurité (globale) englobe tous les domaines de la société, de l’alimentaire au cyber en passant par l’industrie. On entendra donc par sécurité la minimisation du risque, des mécanismes de prévention à la gestion des incidents. La notion de sécurité est au fond très subjective, elle est sujette aux perceptions individuelles, et peu souvent être sur/sous-estimée. Se pose ainsi la question de sa mesure, comment évaluer objectivement le degré de sécurité ? Quel thermomètre peut-on utiliser ? Ces interrogations en suspend sous-tendent le reste du débat.
Pour en revenir à des applications plus concrètes, la sécurité globale regroupe de nombreux domaines, dans lesquelles la Métropole est plus ou moins compétente. Le terme de sécurité globale renvoie aussi bien aux « petits risques » (incivilités) qu’aux « grands risques », d’échelle nationale voire internationale (environnement en première ligne).
II. Les compétences métropolitaines en matière de sécurité globale
Ont été discutées :
- La sécurité technologique et industrielle et la prévention des risques technologiques et naturels : la Métropole est compétente en matière de Gestion des Milieux aquatiques et de Prévention des Inondations (GEMAPI), elle est aussi partie prenante des Plans de Prévention des risques technologiques (PPRT), et elle a notamment mis en place le dispositif SECURENO’V pour accompagner les propriétaires d’habitations en zone PPRT.
- La sécurité routière : la Métropole dispose d’une compétence d’aménagement et de maintien des voiries et elle détient aussi le pouvoir de police spéciale concernant la circulation.
- La sécurité des bâtiments : de la même manière que pour la circulation, le président de la Métropole détient depuis 2015 un pouvoir de police spéciale en matière de péril et de sécurité des bâtiments (immeubles menaçant ruine).
- La sécurité sanitaire et environnementale : les missions de la Métropole en termes de sécurité englobent également le maintien de la qualité de l’air, la maîtrise de la pollution atmosphérique et du bruit et la gestion de l’eau.
- La sécurité alimentaire : la Métropole a fait le choix d’élaborer une stratégie alimentaire pour apporter une approche globale des enjeux alimentaires. La Métropole se veut ainsi devenir un chef d’orchestre en la matière.
- La sécurité « intrafamiliale » : la Métropole est compétente en matière de protection de l’enfance, au travers de la PMI (Protection Maternelle et Infantile) et de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance).
- La prévention de la délinquance, la médiation et l’accès aux droits : en plus de sa compétence en matière de prévention spécialisée, la Métropole subventionne des acteurs de la médiation sociale (ALTM). Surtout, l’article L3642-5 du CGCT précise que « le président du conseil de la métropole de Lyon anime et coordonne, sous réserve du pouvoir de police des maires des communes, les actions qui concourent à l’exercice de la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance et d’accès au droit. Sauf opposition d’une ou plusieurs communes représentant au moins la moitié de la population totale de la métropole, le président du conseil de la métropole préside un conseil métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance. »
- La sécurité (et la protection) civile : le président de la Métropole a la responsabilité de la sécurité civile sur le territoire de la Métropole. Cette dernière est notamment compétente sur le confortement des galeries sous-terraines. Elle finance également à hauteur de 2/3 le SDMIS (sapeurs-pompiers), pour une enveloppe de 120M d’euros par an. Elle a également la charge des bornes incendies.
- La police : cette dernière n’a pas été évoquée par les participants. Pourtant, comme indiqué dans l’article 3642-2 du CGCT, le président de la Métropole dispose de nombreux pouvoirs de police spéciale : assainissement, collecte des déchet ménagers, sécurité des manifestations culturelles/sportives de la Métropole, stationnement sur la voie publique des taxis, stationnement des gens du voyage, sécurité des immeubles à usage d’habitation, circulation, etc. Plus encore, le Code de sécurité Intérieure précise qu’elle peut recruter des agents de police municipale pour exercer sur plusieurs communes, placés sous l’autorité du maire de la commune d’intervention pour la police générale ou sous celle du président de Métropole pour l’application des pouvoirs de police spéciale. Ainsi, il serait envisageable de créer une police métropolitaine intercommunale. Plus qu’un débat juridique (souvent utilisé comme argument), il s’agit d’une question de volonté politique.
- La vidéoprotection : la Métropole de Lyon peut décider, sous réserve de l’accord de la commune d’implantation, autorité publique compétente au sens de l’article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure, d’acquérir, d’installer et d’entretenir des dispositifs de vidéoprotection aux fins de prévention de la délinquance. Elle peut mettre à disposition des communes intéressées du personnel pour visionner les images (article L3642-4 du CGCT).
III. Vers une Métropole de la sécurité ?
Comme précisé, certaines compétences existent juridiquement mais ne sont pas activées ou appliquées. La police métropolitaine en fait bien évidemment partie mais d’autres compétences couvrent un potentiel peu exploité. Par exemple, le fameux conseil métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance (CMSPD) n’a jamais été créé. D’autres métropoles (comme Nantes) ont déjà leur police métropolitaine des transports en commun.
D’autres compétences sont activées mais souffrent d’un manque de moyens financiers ou humains. Plusieurs projets ambitieux ont été délaissés, comme le cluster EDEN (associations d’entreprises spécialisées dans la Défense), dont la subvention a été supprimée en 2021, ou l’initiative ECC for EU, anciennement financée par la Métropole et dissoute en 2020.
Bien que ce ne soit pas une compétence de la Métropole, certains secteurs manquent aussi cruellement de moyens humains, comme la Police Judiciaire, en manque d’effectifs pour instruire correctement les dossiers, ou les équipes de police nocturne. Il faut aussi souligner un manque d’homogénéité au sein de la Métropole, par exemple au niveau des forces de police déployées et des doctrines d’intervention de ces dernières.
Ces problèmes ne sont que renforcés par de cruels manques de coordination au sein de la gouvernance. Le millefeuille administratif français rend la distribution des compétences peu lisible et multiplie les enchevêtrements et situations floues. Le cas est particulièrement vrai entre la Mairie et la Métropole. Comme vu précédemment, la Métropole détient un pouvoir de police spéciale pour la circulation, alors que le pouvoir de police spéciale du stationnement est resté municipal…
Face à un statu quo flou et illisible, il semble plus important que jamais de donner des perspectives claires. Plus que des explications techniques, il faut impulser un cap clair auquel il est facile de s’identifier. Le cadre juridique existant permet déjà de bâtir une Métropole de la sécurité plus forte et de remédier à un tel éclatement des compétences. Le système actuel tient donc plus d’un manque de volonté politique.